Autisme : comment accompagner mon enfant dans sa pratique sportive ?

Autisme : comment accompagner mon enfant dans sa pratique sportive ?

Travail sur la proprioception, la perception d’autrui, de son environnement et sur sa socialisation, le sport revêt bien des aspects bénéfiques pour les enfants avec troubles du spectre autistique. Voici toutes les clefs pour accompagner votre enfant dans le choix de sa pratique sportive ! 

Souvent marginalisé·es, les enfants sujets aux troubles du spectre autistique ont parfois bien du mal à trouver un sport adapté à leurs besoins. Pourtant, le sport peut leur être salvateur, à condition de choisir l’activité adéquate. Nadège Roche-Labarbe, biologiste du comportement, psychologue de l'enfant et docteure en neurosciences, et Céline Clément, professeure en psychologie et sciences de l'éducation à l'Université de Strasbourg, vous donnent les clefs pour trouver l’activité physique adaptée aux besoins de votre enfant. 

L’autisme, qu’est-ce que c’est ?

Aujourd’hui, on parle plutôt de troubles du spectre autistique (TSA)”, souligne Nadège Roche-Labarbe, “ce terme reflète l’hétérogénéité de ces troubles : certaines personnes ont des troubles très handicapants, tandis que d’autres éprouvent des difficultés légères, parfois imperceptibles par l’entourage”.

Selon l’experte, les personnes ayant un trouble du spectre autistique ont trois types de difficultés en commun, plus ou moins fortes selon chacun·e :
• difficultés dans les interactions sociales et la communication : langage, expression et compréhension des émotions, des situations sociales
• intérêts et actes restreints ou stéréotypés : gestes répétés, maladresse motrice, coordination et équilibre difficiles, comportements d’auto-stimulation sensorielle
• troubles sensoriels : hypo- et hyper-sensibilités dans différents sens.

Ces troubles sont à l’origine d’un manque de flexibilité dans les activités quotidiennes et d’une fatigue accrue dans les situations inhabituelles, avec des difficultés à gérer les imprévus.

Qui plus est, “les personnes à TSA sont en moyenne en moins bonne santé que les personnes de la population générale, ce qui est souvent le cas des personnes en situation de handicap”, appuie Céline Clément, “de fait, la pratique sportive est avant tout un bon élément pour prendre soin de soi et être en meilleure santé”. Les études montrent également que plus la pratique sportive est entamée jeune, plus ces bonnes pratiques seront conservées à l’âge adulte.

La pratique d’un sport peut aider votre enfant à développer sa motricité, gagner en assurance et en maîtrise de ses émotions, lui apporter des clés pour affronter une socialisation souvent difficile pour les enfants avec TSA, mais également installer une routine de vie saine, bénéfique à sa santé.

Autisme : comment accompagner mon enfant dans sa pratique sportive ?

Le difficile diagnostic des TSA 

Bon, on s’éloigne un peu du sport, mais il est nécessaire de préciser que les parcours de diagnostic des TSA peuvent être longs et fastidieux, plus encore pour les petites filles, les jeunes femmes et les femmes plus âgées. “Les manifestations de l’autisme sont très variées d’une personne à l’autre, chaque personne est différente et singulière”, précise Céline Clément, “Les petites filles et les femmes ont une capacité de camouflage plus importante”, ce qui rend le diagnostic plus difficile encore, et parfois très tardif.

Ainsi, les conseils délivrés dans cet article peuvent s’appliquer à tout·e enfant présentant des symptômes similaires à ceux décrits plus haut, même s’ils n’ont pas de diagnostic.

Les TSA peuvent également être diagnostiqués à l’âge adulte. Si vous êtes adulte et concerné·e par les TSA, voici notre guide pour choisir un sport adapté à vos besoins.

Autisme : comment le sport peut-il aider votre enfant ?

Avant toute chose, si vous en avez la possibilité, le dialogue avec votre enfant est capital, afin de déterminer ses besoins et ses limites. Ensuite, avec un sport adapté à ceux-ci, vous pourrez observer les bienfaits de la pratique sportive sur les capacités sociales et motrices de votre enfant. “Les TSA, ce sont des troubles qui débutent dès la naissance, et qui peuvent être diagnostiqués dès l’âge de 5 ou 6 ans”, précise Nadège Roche-Labarbe, “La pratique sportive dès le plus jeune âge peut atténuer le handicap en permettant à l’enfant de s'entraîner sur certains éléments qui lui semblent difficiles, comme la proprioception ou la socialisation. On sait que dans la prise en charge d’enfants autistes, l'entraînement est très efficace.”

Par exemple, l'entraînement au mouvement peut être bénéfique à votre enfant et lui permettre de travailler sa proprioception (ndlr : la capacité, consciente ou inconsciente, du corps à détecter ses actions, ses mouvements dans l’espace). “Aider votre enfant à bouger, à se stimuler sensoriellement par le mouvement, c’est lui permettre de réaliser des gestes plus structurés, avec un effet bénéfique à la fois sur son comportement et sur le développement de son cerveau”, souligne notre experte, “Cela peut même, à terme, atténuer le handicap lié au trouble”.

En matière de socialisation douce, ponctuelle et planifiée, le sport peut se révéler un véritable atout pour votre enfant. En effet, les rencontres ponctuelles avec d’autres enfants dans un environnement sportif encadré font office de rendez-vous sécurisant : l’enfant sait qui il ou elle va retrouver, où et quand, et peut de fait anticiper ce moment social et apprendre à en apprécier les bienfaits à son rythme.

Cadre et accompagnement : quels sont les besoins de mon enfant dans sa pratique sportive ? 

En fonction de la répartition des symptômes, un·e enfant sera plus à l’aise dans un sport, alors qu’un·e autre avec le même diagnostic sera plutôt à l’aise dans un autre sport.

Troubles moteurs
Un enfant dont les symptômes moteurs sont marqués ne sera pas forcément à l’aise dans les sports de ballon ou de raquette, par exemple”, illustre Nadège Roche-Labarbe.

Interactions sociales
En cas de grandes difficultés dans les interactions sociales, ou d’hypersensibilité tactile, les sports d’équipe ou de contact ne seront peut-être pas adaptés”, poursuit l’experte. Pour ces enfants, les sports individuels (athlétisme, natation) ou incluant des animaux (course à pied avec votre chien, équitation) peuvent être plus indiqués. Ces pratiques sportives encouragent la coordination motrice de votre enfant sans le déborder, et la communication avec l’animal facilite l'expérience.

Intérêts restreints et actes stéréotypés
Certains enfants sont plus enclins aux intérêts restreints et aux actes stéréotypés, et ont besoin d’une routine pour s’épanouir”, poursuit l’experte. Un environnement structuré, à la fois dans le temps et l’espace, avec des règles claires, leur sera alors nécessaire. Pour ces enfants, un sport technique individuel ou avec une composante sociale structurée et limitée peut convenir, comme le skateboard, le tennis, l’escalade… Encore une fois, c’est au cas par cas !

Routines et repères
Céline Clément souligne également l’intérêt de la gymnastique pour les enfants avec TSA. “L’aspect très routinier de cette discipline, avec un roulement précis d’agrès en agrès, des séquences de mouvements répétés, les interactions sociales sans trop de contact physique… Tout cela peut avoir des effets bénéfiques sur les enfants avec TSA”, illustre l’experte.

Le fait d’avoir un événement plaisant, à horaire régulier et avec un déroulé connu est ici très important. Cette immersion récurrente va permettre à votre enfant de développer ses compétences sociales et motrices, mais aussi son autonomie. “Par exemple, en équitation, on sait qu’en arrivant au club, il faut aller voir au tableau quel poney on va monter, ensuite, il faut aller préparer le poney… Le déroulement de la séance est découpé en séquences identifiées”, illustre l’experte, “Cette routine doit être claire, pour que l’enfant ne se sente pas perdu·e et démuni·e, car pour un·e enfant avec TSA, rien ne coule de source, et les informations implicites ne sont pas comprises”. Ainsi, un·e enfant avec TSA peut faire une crise de détresse si on ne lui a pas précisé s’il doit se rendre de lui-même au manège avec son poney, ou s’il doit attendre le ou la moniteur.ice.

Si le ou la coach est sensibilisé·e, que la routine est bien mise en place et que l’enfant prend plaisir à ces rendez-vous, on peut s’attendre à ce que le comportement soit positif et s’améliore au fil des séances. “Ça ne veut pas dire que votre enfant ne fera pas de crise au moment du départ, car comme pour beaucoup d’enfants aimant les animaux, partir d’un centre équestre peut être difficile !”, sourit Nadège Roche-Labarbe.  

Découverte préalable de l’environnement
Organiser une visite des locaux sportifs, une rencontre avec le ou la coach, ou une séance d’essai en amont de l’inscription peut également rassurer votre enfant. “La visite du local quand il y a peu de monde -mais pas vide- peut donner une idée à votre enfant de ce à quoi va ressembler son expérience sportive”, acquiesce Céline Clément, “Attention, il ne faut pas figer ces éléments dans l’esprit de l’enfant, car l’entraineur·euse peut changer, la salle de pratique et sa disposition aussi”. Trouver un copain ou une copine d’activité peut se révéler un bon pilier pour votre enfant, plus encore qu’un.e entraineur·euse, dont la présence continue au fil des années n’est pas garantie.

La schématisation visuelle des étapes peut aussi aider votre enfant à comprendre le déroulé d’une séance et à en mémoriser le contenu.

En cas de crise, comment réagir ? 

Face à une crise, le mieux reste de mettre l’enfant à l’écart, de ne pas le laisser en public. Être en crise et se sentir observé·e est très aversif pour les enfants avec TSA”, précise Nadège Roche-Labarbe, “on peut être tenté·e de dire “tout le monde te regarde, arrête de faire ta crise”, mais ça ne fonctionne pas, parce que l’enfant va se rendre compte que son comportement ne convient pas, sans pour autant avoir la capacité de le modifier. Ça va simplement amplifier le sentiment de détresse et éterniser la crise”. Ainsi, on préférera emmener l’enfant dans un vestiaire, une pièce à l’écart ou à l’extérieur, à l'abri des regards, avec un adulte référent le temps que l’enfant se calme.

La présence d’un parent ou d’un adulte supplémentaire connu de l’enfant peut se révéler utile, afin que le ou la coach puisse continuer à animer le reste de l’équipe. “Cependant, l’entraîneur·euse est rarement seul·e face à un groupe d’enfants, et la présence constante d’un proche peut également renforcer l’anxiété de l’enfant”, précise Céline Clément. Encore une fois, cela dépend des besoins de votre enfant (réassurance ou autonomie), et des capacités d’encadrement du club choisi.

Pour faciliter la bonne gestion de ces crises, vous pouvez expliquer la situation au coach, lui indiquer les raisons de votre présence et la nécessité d’un accompagnement spécifique concernant votre enfant. Progressivement, la fréquence des crises peut diminuer au fur et à mesure que leur capacité de régulation émotionnelle se développe, jusqu’à disparaître éventuellement, notamment à l’adolescence. Avec le temps, c’est peut-être même votre enfant qui vous fera comprendre que votre présence n’est plus souhaitée !

Accompagner mon enfant autiste dans ses échecs sportifs 

La priorité, c’est de trouver un sport dans lequel votre enfant se sente bien”, insiste Nadège Roche-Labarbe. Il ne faut pas hésiter à en essayer plusieurs. De fait, votre enfant pourra plus facilement appréhender les échecs qui découleront de sa pratique sportive parce que cette contrariété sera compensée par la motivation.

Car oui, comme pour tout·e enfant, l’échec n’est pas toujours bien accueilli, et fait partie des apprentissages sportifs incontournables. La frustration, la peur de l’échec, l’amertume liée à celui-ci… Tout cela est commun à tous les enfants. “En revanche, un·e enfant sans TSA passera plus vite à autre chose, tandis qu’un·e enfant avec TSA va ruminer cet épisode, qui générera de l’anxiété, et aura plus de difficultés à passer outre cet échec. C’est le rôle de l’entourage, parent ou coach, de trouver une stratégie qui fonctionne pour l’enfant en question”, souligne l’experte.

Plusieurs options sont ainsi possibles, et plus ou moins efficaces selon les enfants avec TSA :

• distraire l’enfant le temps que l’émotion redescende : une fois cela fait, vous pouvez lui faire remarquer son nouvel état. “Tu es plus calme, est-ce que tu le ressens ? Comment te sens-tu, maintenant que tu es passé à autre chose ?“ Cette prise de conscience est bénéfique dans sa gestion des prochains échecs.
• la prise de conscience de l’émotion : “Explique-moi, pourquoi tu te sens comme ça ?”, pour verbaliser son ressenti s’il en a la possibilité. Parfois, le dialogue est impossible durant la crise ou post-crise. Dans ce cas, rien ne sert d’insister !
• l'exercice : aller se défouler dehors, taper dans un ballon…

Les enfants avec TSA sont parfois si exigeant.es qu’ils et elles ont du mal à comprendre que les autres enfants ne le soient pas autant qu’eux. Réexpliquer à votre enfant que ses camarades sont dans une optique d’amusement peut aussi l’aider à relativiser l’échec. Ça ne marchera peut-être pas du premier coup, mais à force de répéter l’exercice, votre enfant apprendra progressivement à gérer au mieux ses émotions et à prendre en compte le point de vue des autres. L’indulgence, c’est aussi envers vous-même que vous pouvez en faire preuve !

Et si votre enfant n’a pas envie de compétition, il vous faudra alors trouver un club où la pratique du sport est possible indépendamment de la contribution à la compétition. Il y a des clubs pour tous les goûts !

À chaque enfant autiste ses limites et ses points forts, et les éléments délivrés ici ne sont pas universels. Toutefois, plusieurs éléments peuvent vous aiguiller dans le choix du sport approprié pour votre enfant :

• le collectif : à petite dose, les sports collectifs peuvent aider votre enfant à travailler sa socialisation. Toutefois, attention à bien respecter ses limites en matière d’interactions sociales, qui peuvent être épuisantes pour certaines personnes ayant ce trouble.
• la perception de l’environnement : un terrain de jeu trop bruyant, un environnement trop fouillis, changeant… Tout cela peut perturber votre enfant et le ou la limiter dans son appréciation de l’activité en elle-même.
• les règles du jeu : bien encadrée, la pratique incluant des règles du jeu strictes peut convenir à votre enfant. Cependant, certain·es enfants autistes peuvent avoir beaucoup de mal à tolérer la triche ou le non-respect des règles du jeu par d’autres participant.es.
• le contact physique : l’hypo- ou l’hypersensibilité sensorielle peuvent contraindre votre enfant dans le choix de son sport, excluant notamment les sports de contact, comme le judo. En effet, en fonction de sa sensibilité, votre enfant peut développer un jeu trop agressif, ou au contraire, fuir tout contact, au point de le ou la pénaliser dans sa pratique.

Encore une fois, ces éléments ne sont pas universels, et la réalité peut faire mentir les a priori. Céline Clément donne un exemple en ce sens. “J’ai en tête un entraîneur de rugby qui encadre dans son équipe un jeune avec un TSA ; même si en grandissant la difficulté est davantage liée au placement que le contact, l’enfant trouve sa place dans l’équipe”, explique l’experte, “On pourrait être surpris·e, mais il est recommandé de ne pas se freiner plus que de raison en tant que parent d’un enfant concerné par les TSA”. Avant de se restreindre, une séance d’essai peut être bénéfique pour votre enfant, afin qu’il se fasse une idée de ce qui lui plait ou non dans un sport ou un autre, comme pour tout autre enfant en fait!

Aller plus haut, être plus fort·e, se dépasser, relever des défis” sont autant de raisons qui peuvent aider votre enfant à aller au-delà des limites de son TSA. Mais Céline Clément rappelle que la pratique sportive doit avant tout rester source de plaisir et non pas de souffrance, bien entendu. “Parfois, les parents s’attendent à ce que ces activités viennent combler des retards ou des déficits, mais l’idée n’est pas là”, souligne Céline Clément. Rester à l’écoute de son enfant et des signes extérieurs de gêne ou de bonheur est un excellent moyen de déterminer les apports plus ou moins bénéfiques d’une pratique sportive donnée. 

Autisme : comment accompagner mon enfant dans sa pratique sportive ?

Les intérêts restreints : leviers pour une pratique sportive plus sereine ? 

Les intérêts quoi ?”, vous demandez-vous peut-être. Les intérêts restreints, ce sont les domaines plus ou moins larges qui peuvent capter profondément l’attention des personnes avec TSA. Elles sont alors capables de rester des heures concentrées sur une activité donnée, en relation avec ces intérêts précis. 

De fait, les intérêts restreints peuvent être un levier fort pour susciter l’attention de votre enfant envers une activité sportive. Par exemple, si votre enfant est captivé·e par un style de musique donné, une inscription à un cours de danse dans ce domaine musical peut être totalement adaptée (classique, moderne, jazz, hip hop… Les possibilités sont larges).

Gênes sensorielles : les parades à adopter au besoin

Lumières trop fortes, environnement trop bruyant… Les enfants avec TSA peuvent vite se sentir gêné·es par certaines stimulations sensorielles. Pour continuer à pratiquer un sport malgré ces stimuli, des parades peuvent être envisagées : lunettes de soleil adaptées à la pratique sportive, casque réducteur de bruits ou bouchons d’oreilles… Il existe des solutions ! 

En somme, s’il existe presque autant de troubles du spectre autistique que d’enfants concerné·es par celui-ci, il existe bel et bien des sports adaptés aux besoins de votre enfant. Et si vous peinez à expliquer la situation au futur ou à la future coach de votre progéniture, ce guide officiel délivré par Autisme Info Service pourra vous être d’une grande utilité !

Autisme : comment accompagner mon enfant dans sa pratique sportive ?

VAL

JOURNALISTE - RÉDACTRICE WEB

Journaliste société, passionnée de réseaux sociaux (la Twitter fever, tu connais) et de sport. À mes heures perdues, on me retrouve sur une barre de pole dance ou sous la barre de hip thrust, ça dépend des jours.